2ème rencontre de la frugalité heureuse et créative

Le week-end des 29, 30 novembre et 1er décembre, s’est tenue la 2ème rencontre de la Frugalité heureuse et créative. Nous étions reçus, dans la salle des fêtes de Guipel par les maires de 3 communes d’Ile et Vilaine : Guipel, Hédé-Bazouges et Langouët. Le BRUDED, réseau de collectivités bretonnes engagées dans le développement durable, nous accompagnait pour ces rencontres. 240 personnes ont participé à cet évènement.

vendredi, visites des réalisations éco-responsables des 3 communes et pique nique des terroirs
Les 3 communes, qui nous accueillaient et dont les maires – Jean Christophe Bénis pour Hédé-Bazouges, Christian Roger pour Guipel et Daniel Cueff pour Langouët – ont été très présents tout au long de ces journées, sont engagées depuis longtemps dans la transition écologique. D’abord très sensibles à la préservation et au renforcement de la biodiversité, elles se sont engagées dans un aménagement éco-responsable de leur territoire avec une réflexion responsable sur le PLU, plusieurs éco-hameaux et une revitalisation des centres bourgs. La communauté de commune dans laquelle deux d’entre elles sont intégrées, Val d’Ille, a engagé un schéma de déplacement alternatif au tout-voiture individuelle et un ambitieux objectif énergétique : 20% d’énergie renouvelable en 2020 et territoire à énergie positive en 2030. Trois circuits de visites ont été organisés
circuit Guipel : l’espace jeux « fait maison » des Pontènes, la vallée verte gérée en éco-pâturage, l’aménagement de la rue de Rennes, le projet de transformation du presbytère en tiers-lieu
circuit Hédé-Bazouges : l’aménagement « fait maison » du centre-bourg de Hédé-Bazouges, le projet de médiathèque dans une ancienne grange en pierre à l’arrière de la mairie, l’espace jeux en saule tressé, l’éco-lotissement de Bazouges-sous-Hédé
circuit Langouët : le terrain de football transformé en terrain de permaculture, l’éco-lotissement de la Prairie Madame, le projet de rénovation d’une longère en habitation individuelle, l’auto-consommation collective d’énergie renouvelable.

Le soir, nous prenions possession de la salle des fêtes de Guipel pour une soirée conviviale autour d’un pique-nique des terroirs pour lequel chacun d’entre nous avait apporté une spécialité de son territoire.

samedi matin, la parole aux groupes locaux de la frugalité

Après quelques mots d’accueil de la part des maires des 3 communes, des représentants des groupes locaux se sont succédés à la tribune pour décrire leur activité.

Bretagne

Une douzaine de personnes forme le noyau dur des 180 signataires de la région, avec une forte représentation du Finistère. Ils ont d’abord adressé un questionnaire aux signataires, établi des partenariats avec des associations locales, notamment à travers le Printemps de l’Architecture et de l’Habitat Durable. Ils animent un compte Facebook, et organisent des visites de bâtiments frugaux.

samedi après-midi, faut-il encore construire ?

Le débat sur ce questionnement, complété par une réflexion sur l’artificialisation des terres, s’est d’abord déroulé par ateliers (synthèse ci-dessous), puis en séance plénière.

Faut-il encore construire en zone périurbaine ?

Nous avons abordé le périurbain comme :

– potentiel à interroger

– limite entre ville et campagne, vivier agricole pour certains, contrainte en termes de déplacement vers les zones d’emplois pour d’autres ;

– lieu-dortoir dépendant des intercommunalités ;

– territoires mal définis, où beaucoup d’expérimentations sont possibles.

Les propositions d’actions consistent à :

– sanctuariser les terres agricoles ;

– créer un outil d’alerte des projets toxiques ;

– privilégier le bâti existant aux nouvelles constructions ;

– s’interroger sur les espaces résiduels requalifiables ;

– retrouver des centralités nouvelles pour reconnecter et mailler, à une échelle territoriale, des périurbains entre eux ;

– mieux qualifier, nommer, réglementer les différents types de terres agricoles via les documents réglementaires ;

– redonner du sens à l’action publique ;

– généraliser les analyses de qualité des sols ;

– inventorier la composition des zones périurbaines ;

– donner de l’autonomie en créant de la mixité.

Faut-il encore construire en ville ?

Nos réflexions portaient sur le verdissement et la végétalisation de la ville, ce qui induit la question des transports et de la place des voitures. Nous préconisons :

– la sensibilisation à la nature dès l’enfance (types de sols dans les cours d’école) ;

– le verdissement de la ville dans le domaine public ;

– la régénération des villes en privilégiant la réhabilitation ;

– la notion de ville propre et d’entretien facile ;

– la mise en place d’un coefficient de verdissement dans les villes

– un audit global multicritère (énergie, habitabilité, confort et empreinte carbone) incluant un ratio qualitatif ;

– l’utilisation du socle foncier disponible.

Nous proposons de :

– élaborer un outil commun pour communiquer, éduquer et sensibiliser les acteurs sur les pratiques qui fonctionnent, éventuellement par les groupes locaux ou des groupes thématiques nationaux ;

– créer un nouveau groupe pour poursuivre la discussion, sous la houlette de Clément GUILLAUME.

Faut-il encore construire dans les territoires ruraux ?

Au lieu de construire, il faut vivre dans les territoires ruraux : cela permet de rééquilibrer les villes, de fuir des îlots de chaleur, d’atteindre une potentielle autonomie alimentaire. Nous proposons en outre de :

– établir un diagnostic et un projet de territoire en milieu rural, à l’échelle de quelques communes, en prenant en compte l’échelle de temps et en définissant les notions d’emploi ;

– mutualiser des équipements entre les communes (école, salle de fêtes, terrain de foot) ;

– interdire l’extension urbaine tant qu’il y a des dents creuses disponibles ;

– inciter les élus à préempter de vieilles maisons pour favoriser la densité en cœur de village et éviter l’étalement urbain ;

– doter les élus d’outils (étude comparative réalisée par le CAUE 54) ;

– favoriser la rénovation et la réhabilitation ;

– considérer la construction neuve comme une faveur et lui imposer une haute qualité environnementale et architecturale ;

– offrir plus de libertés aux habitants en termes urbains et constructifs.

Faut-il encore construire dans les bourgs ?

La question n’est pas tant de savoir s’il faut encore construire dans les centres-bourgs, mais de se demander comment, demain, y travailler et y habiter, en donnant toute sa place à l’agriculture, afin de développer l’emploi et de répondre aux objectifs de végétalisation des espaces bâtis. Il s’agit de sortir de « l’effet Bilbao », en choisissant de construire un nouveau récit pour la question rurale, plutôt que de continuer à aménager les bourgs de manière urbaine. Ceci soulève la question de la désirabilité. Pour donner envie d’habiter en centre-bourg, il faut :

– mener des actions de formation auprès des habitants ;

– construire en extension en privilégiant la qualité à la quantité ;

– réinventer les typologies traditionnelles (mas provençal, clos béarnais…).

La frugalité peut constituer un repère pour construire la désirabilité, moyennant une action de communication auprès des élus avant les élections municipales.

BRUDED pourrait peut-être s’étendre sur d’autres territoires, pour faciliter l’échange de bonnes pratiques. Enfin, la carte des ressources pourrait être complétée des acteurs du territoire.

Faut-il encore construire sur le littoral ?

Nous avons pointé :

– le paradoxe entre l’attractivité du littoral et l’accroissement de son érosion, favorisé par les constructions en béton utilisant le sable marin ;

– la saisonnalité des constructions qui crée une forte pression foncière et des zones vides hors saison.

Des questions se posent :

– les populations doivent-elles se déplacer, avec les problèmes que cela peut poser, compte tenu du prix de l’immobilier ?

– faut-il fuir, s’adapter ou combattre la montée des eaux ?

– qu’est-ce qui est utile ou nécessaire ?

Nous proposons de :

– définir une altitude minimum pour les nouvelles constructions ;

– réduire les dispositifs de protection des côtes, l’endiguement ayant atteint ses limites ;

– proposer des constructions légères, dures, temporaires, flottantes… ;

– anticiper l’éventuelle disparition du foncier avec les constructions démontables, facilitant le déplacement des populations et l’accès aux primo-accédants.

L’urbanisme réglementaire : facteur de blocage ou opportunité ?

L’élaboration des documents d’urbanisme n’est pas vécue comme un exercice de co-construction. Le contenu « aseptisé » des PLU élude les questions de société. On assiste à une perte de continuité entre les problématiques et au passage de discours incantatoires à des règlements hors sol, intellectuels.

Les citoyens peinent à retrouver la vision de la commune dans les documents d’urbanisme.

Ce sujet est compensé par un surdimensionnement du contenant : il faut donc des règlements plus allégés et de l’accompagnement professionnel.

Le PLU est le même, quelle que soit la taille de la ville.

Le Code de la construction est parfois plus pertinent que le Code de l’urbanisme.

Même si les PLU ne sont pas idéalement mis en œuvre, un cadre de qualité s’impose.

Les PLU et SCOT sont détournés par les élus, car la population n’y comprend rien, d’où un déficit d’implication et une concertation réduite, faute de participants.

Les SCOT et PLU ont un rôle à jouer pour intégrer la frugalité dans les territoires.

La co-construction et la démocratie sont indispensables. Il faut passer d’un urbanisme technocratique à un urbanisme de frugalité.

S’agissant de l’urbanisme de projet, il faut moins de règles et davantage de professionnels pour accompagner les projets auprès des élus.

Le paysage permet de créer une culture commune

Ce sujet recoupe diverses notions :

– les services écosystémiques, l’esthétique, la différence entre anthropisation et artificialisation ;

– la prise en compte de la biodiversité ;

– l’importance de la formation et de l’enseignement du paysage.

Nous avons proposé plusieurs chantiers :

– la gestion différenciée du chantier prenant en compte le paysage (conservation de la surface au sol, protection des zones sensibles, utilisation des engins adaptés aux sites, etc.) ;

– le fait de ne pas choisir entre densification et étalement urbain ;

– la prise en compte des franges urbaines dans la manière de construire la ville ;

– l’émergence de la renaturalisation des sols ;

– la qualification des friches urbaines, dont le potentiel en termes culturel et social est riche ;

– la (re)perméabilisation des sols dans les projets de renouvellement urbain ;

– la collaboration de nombreuses disciplines sur la question du sol ;

Nous ne sommes pas parvenus à proposer des actions précises, compte tenu de nos sensibilités différentes s’agissant du paysage : il faut reconnaître l’utilité des paysages et créer un groupe thématique national sur ce sujet transversal à nos territoires.

Faire ensemble et mutualiser les outils de communication

Nous avons consacré beaucoup de temps au traitement des demandes et besoins qui sont variables (outils concrets de projets, pour mutualiser, de manière virtuelle et physique, pour fédérer sur un territoire, réseaux sociaux incluant la notion d’éthique).

Nous lançons un appel aux personnes rompues à l’animation d’ateliers participatifs.

Nous proposons de créer un groupe de travail sur la question du « faire ensemble ». Nous mettrons à disposition une liste sur laquelle les gens pourront s’inscrire.

synthèse

En conclusion, la synthèse de ces ateliers a permis de formuler 14 engagements que les signataires du Manifeste et les groupes locaux pourront porter auprès des candidats aux futures élections municipales :

14 engagements pour un urbanisme communal frugal

Argumentaire à développer pour communiquer avec les candidats aux municipales

Préserver le sol comme une ressource précieuse

  1. Privilégier la transformation du bâti existant avant d’envisager toute construction neuve.
  2. Privilégier l’occupation des dents creuses et des friches urbaines avant d’envisager toute extension urbanistique.
  3. Sanctuariser les bonnes terres agricoles, les secteurs de biodiversité et les zones de captage hydraulique.
  4. Développer les dispositifs de dissociation du foncier et du bâti.

Anticiper sur les évolutions climatiques

  1. Intégrer la transition écologique comme vecteur de projet à toutes les échelles.
  2. Établir une altitude minimum pour les constructions neuves en zone littorale.
  3. Re-naturaliser les sols et les sites en instituant des coefficients de biodiversité et de végétalisation à tout espace, privé ou public.

Raconter le territoire

  1. Écrire un nouveau projet de territoire sur la base d’un urbanisme et d’une agriculture éco-responsables.
  2. Œuvrer pour renforcer l’implication citoyenne vers un projet partagé.

Réparer le territoire

  1. Définir de nouvelles polarités urbaines pour un meilleur maillage entre les zones péri-urbaines
  2. Réinventer des « communs » et des projets d’intérêt général.
  3. Mutualiser les équipements et les services.
  4. Pratiquer un audit global, de l’échelle du bâtiment à celle du territoire, et ne pas se limiter à l’approche énergétique.

14. Réaliser les aménagements de façon frugale, avec de la flore et des matériaux locaux, bio-sourcés ou géo-sourcés.

dimanche matin

Les participants à cette deuxième rencontre ont tenu à remercier les 3 communes qui les ont accueillies en participant à un exercice d’intelligence collective sur 3 projets en cours, un dans chacune de ces communes

Compte-rendu de cette seconde rencontre nationale de la Frugalité Heureuse.

Merci à chacun des participants pour leur énergie, présence et partage d’expérience qui ont nourri ces 3 trois de Workshop.